Pour nous, pauvres âmes européennes pour qui le fumet prégnant d’une vieille tiag’ émoussée par des heures de line danse endiablée n’évoquent pas grand chose, il est parfois difficile de concevoir l’attrait de la musique country. Un genre musical – voire une culture à part entière – tout en gimmicks poussiéreux et postures rustres de cow-boys, en brushings sur-laqués et en égos turgescents, littéralement à des milliers de kilomètres de notre minimalisme pudique. Et nous aurions ainsi pu laisser décrépir tout un pan de l’americana dans le fossé culturel qui nous sépare, si ce ne fut pour quelques artistes inspirés, capables d’insuffler une heureuse subtilité à leur mélodies infusées au bluegrass, leur inoculer juste ce qu’il faut d’émotion œcuménique, de charisme cinématographique, pour titiller l’imaginaire bien au delà des frontières d’un microcosme que sans eux, notre ignorance altière aurait volontiers caricaturé redneck ou hillbilly : plouc en somme. La preuve par 14, avec les titres tous très réussis du So Long So Wrong d’Alison Krauss and Union Station.
Un album dépouillé d’une quelconque frime tapageuse, s’éloignant des poncifs du genre pour délivrer une douce pop folk acoustique née sous incubation bluegrass. Un pont délicat, dressé entre amateurs aguerris de la vénérable country, et profanes perplexes. Liant gracieux de cette oeuvre à l’alchimie éthérée délicieusement audible? La voix cristalline de Krauss, qui s’épanouie ballade après ballade – cf le poignant It Doesn’t Matter, qui aura comprimé le coeur de pas mal de fans acharnés de *attention, nostalgie adolescente* Buffy Contre Les Vampires… Pas diva pour un sou, la vocaliste s’efface sans broncher pour laisser ses acolytes injecter les morceaux suivants de leur phrasé tantôt enjoué – The Road Is A Lover – tantôt nonchalant – No Place To Hide – nous projetant tout droit dans la scénographie léchée ultra référencée d’un road-movie comme signé par les frères Coen. Banjo, mandoline et violon – ou plutôt « fiddle » – apportent un cachet folklorique léger et réjouissant à l’ensemble, à l’image de Little Liza Jane, instrumental frénétique.
Mastérisée à partir des bandes originales, l’édition double vinyle limitée et numérotée Mobile Fidelity de So Long So Wrong met parfaitement en valeur un album sublime dont émane une cohésion artistique irrésistible : honnêtement, si vous n’humectez pas un peu de l’oeil, ou ne frétillez pas de la boot en l’écoutant, nous voulons bien manger notre Stetson.
TRACKLIST
1. So Long So Wrong
2. No Place to Hide
3. Deeper Than Crying
4. I Can Let Go Now
5. The Road is a Lover
6. Little Liza Jane
7. It Doesn't Matter
8. Find My Way Back to My Heart
9. I'll Remember You Love in My Prayers
10. Looking in the Eyes of Love
11. Pain of a Troubled Life
12. Happiness
13. Blue Trail of Sorrow
14. There is a Reason