Lorsqu’Aretha’s Gold est enregistré en 1969, cela ne fait pas encore une décennie que la jeune Aretha Franklin traine ses escarpins sur la scène soul américaine, alors en pleine ébullition. Neuf petites années pendant lesquelles la vocaliste phénomène a subjugué tout le gratin rhythm and blues, se payant le luxe d’envoyer balader les plus grands labels, de ne pas cacher ses vigoureux engagements sociétaux, d’être plus libre que n’importe quel archétype masculin supposément supérieur à la carnation pâlichonne.
Car Aretha n’est pas une petite chose fragile, la dame a plus de coffre que toute la flopée de crooners gringalets sirupeux de l’époque, de quoi asseoir une sérieuse réputation de diva soul, couper la chique aux producteurs despotes qui voudrait en faire une lucrative poupée sans cervelle, et mener sa barque comme elle l’entend. Quand Aretha chante, on se tait et on l’écoute. Et des choses à dire elle n’en manque pas. Qu’il s’agisse de son avis sans équivoque sur l’aberration de la guerre au Viet-Nam – Chain of Fools – la condition révoltante des noirs dans une Amérique en voie de déségrégation très récalcitrante, ou celle, toute aussi problématique, de la femme désincarnée des années 60 – Do Right Woman-Do Right Man, réponse cinglante au It’s a Man’s Man’s Man’s World de James Brown, Think, ou encore Respect, réécriture muée en hymne féministe absolu de la chanson franchement machiste d’Otis Redding – la « meilleure chanteuse de tous les temps » – dixit un certain Mick Jagger – s’est avérée, non seulement une artiste incroyable, mais une militante de poigne, figure éloquente du combat pour les droits civiques, et précurseure d’un mouvement féministe en bouillonnante gestation.
En seulement deux ans, dans le courant des années 67 et 68, cette native de Memphis, signée chez Atlantic Records – plus enclin que son label précédent à laisser la demoiselle s’exprimer – fut à l’origine de pas moins de neufs tubes haut classés dans les charts américains, et gravés à jamais dans l’inconscient collectifs. Aretha’s Gold s’applique donc à tenir les comptes, et à établir, pour ceux qui l’ignoreraient encore, et une bonne fois pour toute, qui est la véritable patronne.
Cette édition audiophile SACD MoFi octroie à l’auditeur l’appréciation optimale d’une voix incomparable, accompagnée par un groupe tout aussi génial, The Muscle Shoals : une expérience à la hauteur du talent de cette grande dame de la musique, ou plutôt, de cette grande dame, point final.
TRACKLIST
1. I Never Loved a Man (The Way I Love You)
2. Do Right Woman-Do Right Man
3. Respect
4. Dr. Feelgood
5. Baby I Love You
6. (You Make Me Feel Like) A Natural Woman
7. Chain of Fools
8. Since You've Been Gone (Sweet Sweet Baby)
9. Ain't No Way
10. Think
11. You Send Me
12. The House That Jack Built
13. I Say a Little Prayer
14. See Saw