Considéré comme l’opus le plus accessible de Miles Davis, Sketches of Spain marque la troisième collaboration entre ce dernier et le pianiste, compositeur, chef d’orchestre et arrangeur Gil Evans. Délicieuse collision entre le jazz et le répertoire classique européen, l’album laisse finalement peu de place au tumulte de l’improvisation jazzy - celle-là même qui décourage peut-être les profanes - pour ne laisser s’échapper que les divines effluves d’une Espagne terriblement cinématographique.
Davis, tel le dieu Éole de la trompette, souffle le poniente sur cette péninsule ibérique chimérique, intense et ombrageuse. Une anti-carte postale - bien trop habitée, bien trop extraordinaire, pour mériter un qualificatif aussi générique. Sonné par l’écoute du Concierto de Aranjuez de Joaquín Rodrigo, et de sa découverte récente du flamenco, Davis conceptualise un album passionnel, délicat et humble. Il s’efface, se met au service d’une scénographie qui relaie l’essence même d’un pays particulièrement charismatique.
C’est donc un Adagio transfiguré de ce fameux Concierto de Aranjuez tant admiré qui ouvre le bal, lumineux et obscur à la fois. Suivent des compositions traditionnelles remarquablement sélectionnées par Davis - et sublimées par Evans - couvrant tout le spectre de l’identité ibérique. Le fardeau d’une superstition dévote, d’un catholicisme institutionnel, de ses catéchèses immuables - Saeta - les après-midis moites et ensommeillés, le tempérament ambivalent espagnol, pieux et ardent, chaste et charnel, passionné et indolent…
Masterisée - dans le cadre de la restauration du catalogue du maitre Miles Davis par Mobile Fidelity - à partir des bandes originales – du master analogique 1/4″ / 15 IPS, vers DSD 64 – et gravée chez RTI, cette édition SACD de Sketches of Spain immerge l’auditeur dans cet album qui esquisse, autant qu’il exprime, cette Espagne fantasmée.
TRACKLIST
1. Concierto de Aranjuez (Adagio)
2. Will O' the Wisp
3. The Pan Piper
4. Saeta
5. Solea