C’est avec Breakfast In America que Supertramp franchit le rubicon pop. Une décision forcément sujet à controverse. En optant pour le difficile compromis entre intégrité rock et impact commercial, le groupe était bien conscient qu’il tentait là un coup de poker qui pouvait potentiellement sonner le glas d’une carrière florissante, jusque là circonscrite au cadre prog rock pur et dur.
Ce sixième album arrive dans un contexte particulier, post décollage de carrière, post tournées extensives, post amitiés carbonisées par le succès. Un schéma classique, récurrent dans la mythologie du rock, qui rabat toujours les cartes, pour le meilleur ou pour le pire. Ici, l’album en question rencontrera un succès atomique, propulsant Supertramp et leurs ritournelles bien balancées dans l’imaginaire collectif. Et pourtant ce n’était franchement pas gagné. En 1978, les deux têtes pensantes du groupe, Roger Hodgson et Rick Davies – sorte de Lennon-McCartney à voix de fausset – commencent sérieusement à se bouffer le nez, et ont même décidé de faire de leur prochain opus un album cathartique sur leurs différents. L’idée est un poil sordide et rapidement abandonnée.
Finalement, le groupe britannique, qui s’est exilé depuis un certain temps en Californie, décide de passer à la moulinette le rêve américain, à grand renfort de compositions « popisées » certes – et rappelons que ce n’est pas un gros mot – mais empreintes d’une sophistication instrumentale définitivement héritée du rock progressif. Résultat : une colonisation radiophonique qui perdure, puisqu’il suffit toujours à l’heure actuelle de parcourir les ondes quelques minutes pour tomber sur un des morceaux imparables de cet album que TOUT LE MONDE connait par coeur. The Logical Song, Breakfast In America, Goodbye Stranger, ou Take The Long Way Home, sont imprimées dans le cortex cérébral de chacun d’entre nous, de votre petit cousine millenial, qui balancera nonchalamment entre deux selfies un « ah oui je connais ça, c’est pas mal, j’aime bien, c’est quoi déjà? », à votre paternel, qui adore rabattre les oreilles de qui veut bien l’écouter qu’il a vu Supertramp en concert en 81. Et ce, avec des étoiles dans les yeux qui réchauffent nos petits coeurs de rockers. C’est donc cela Breakfast In America, un album universel, qui a su franchir les frontières entre les genres, refusant de se cantonner à un rayonnement interlope, et encore une fois, quel mal y a t-il à cela?
Masterisée à partir des bandes originales et gravée chez RTI, cette édition numérotée SACD salue la faculté virtuose de ces supers vagabonds à résonner dans l’inconscient pop rock de millions de mélomanes.
1. Gone Hollywood
2. The Logical Song
3. Goodbye Stranger
4. Breakfast in America
5. Oh Darling
6. Take the Long Way Home
7. Lord is it Mine
8. Just Another Nervous Wreck
9. Casual Conversations
10. Child of Vision