L’album bleu de Weezer est sorti quasiment un mois jour pour jour après que le mouvement grunge se soit douloureusement cassé la gueule, le jour de la mort violente de Kurt Cobain, sa figure christique. En plein syndrome post traumatique, l’Amérique alternative se cherche une nouvelle « bande originale », et qui aurait pu imaginer que celle-ci serait composée d’une bande de premiers de la classe nippés chez GAP et dotés d’un charisme en négatif? Fini donc les exactions vestimentaires craspec, mais ce n’est pas parce que la jeunesse américaine a enfin décidé de se laver les cheveux, que son appétence pour les guitares saturées s’est atrophiée. Et ça, les quatre geeks de Weezer l’ont bien compris. Deux ans maintenant qu’ils se retrouvent dans un garage pour exorciser leurs frustrations d’has been abstinents malgré eux, à grands coups de riffs énervés. Une catharsis pour ces quatre types pas franchement dans le coup, bien conscients de ne pas exploser les quotas niveau coolitude. Alors il va falloir bosser dur pour atteindre le potentiel pop explosif infusé à l’autodérision qui va rafler la mise. Et puis après tout, peut-être que sur un malentendu, les jolies filles, lassées des mauvais garçons, finiront par fantasmer sur les types gentils, mal sapés peut-être, mais malins.
Le temps que les gars de Weezer n’ont pas passé à travailler un look et à une attitude rock’n’roll délurés, ils l’ont voué à étudier méticuleusement la musique. Une somme d’influences bien senties qui, une fois régurgitée à leur sauce ironique, fera la différence. Une recette qui va parler à toute une génération de jeunes frustrés, qui se reconnaitront dans leurs mélodies urgentes, et leurs histoires de ratés assumés. Produit par Ric Ocasek des Cars, le premier opus de Weezer enchaine les hymnes pour ado maladroit : du tonitruant My Name is Jonas au sautillant Buddy Holly, en passant par l’imparable Undone – The Sweater Song, une traduction brillante et lancinante des névroses post pubères. Mis en images par le clippeur de génie Spike Jonze, les deux singles susnommés joueront à fond la carte normcore et fun. Le timing est parfait. La conjoncture désabusée post grunge propulse Weezer en tête des charts. Et voilà que le plouc est le nouveau cool. La revanche des nerds.
Cette édition SACD audiophile tirée des enregistrements originaux – du master analogique 1/2″ / 30 IPS vers DSD 64 – masterisée et gravée selon le protocole exigeant de MoFi, réveillera avec emphase votre irritation teenage, larvée depuis bien trop longtemps dans votre amygdale. Allez ressortez votre pull informe de 94, et secouez-moi ce cuir chevelu en rythme s’il vous plait.
TRACKLIST
1. My Name Is Jonas
2. No One Else
3. The World Has Turned and Left Me Here
4. Buddy Holly
5. Undone (The Sweater Song)
6. Surf Wax America
7. Say It Ain't So
8. In the Garage
9. Holiday
10. Only in Dreams